Le droit des affaires est un droit hybride, qui réunit autour du monde des affaires une quantité d'autres volets du droit français, européen ou international. Les contrats spéciaux sont façonnés par l'influence de ces domaines juridiques, les rendant assez complexes à aborder. C'est cette complexité qui fait du droit des contrats spéciaux un sujet d'étude à part dans la plupart des formations spécialisées telles que le MBA droit des affaires. Que sont les contrats spéciaux ? Que peut-on attendre de l'évolution de leur cadre juridique ?
Que sont les contrats spéciaux ?
En droit français, la législation générale sur les contrats est en réalité assez simple. Elle se base en effet sur des principes simples comme la volonté des contractants et leur capacité à contracter. En d'autres termes, le droit français accorde par défaut une presque totale liberté dans la formation des contrats entre parties, sous réserve de légalité. Tant que les parties sont d'accord avec ce qu'elles signent, et qu'elles sont en mesure de comprendre les termes de leur accord, une simple signature suffit à le sceller et à lui donner force de loi.
Mais de nombreux cas spécifiques ont peu à peu émergé, montrant les limites d'une telle liberté. Certains domaines contractuels ont dû se voir encadrés spécifiquement par le législateur, que ce soit pour des questions d'enjeux économiques, de protection des contractants, ou tout simplement pour rester en conformité avec les règlements européens ou internationaux. Ces contrats spéciaux ont donc fini par devenir des domaines complexes, exorbitants du droit commun, en raison des spécificités de la relation contractuelle qu'ils instaurent entre les parties.
Types de contrats spéciaux
Il existe plusieurs types de contrats spéciaux couvrant plusieurs domaines, du bail entre particuliers au droit des entreprises, en passant par les contrats spécifiques au monde du travail ou des assurances.
Le Contrat de Vente
Peu de personnes se rendent compte de la spécificité du contrat de vente. Elle vient du fait qu'il encadre strictement une transaction qui, ordinairement, se fait simplement par un simple accord oral. En effet, pour acheter une baguette de pain, il suffit de la demander et de la payer, et il n'est nul besoin d'établir un contrat. Mais dans certains domaines, notamment pour des sommes plus conséquentes ou lorsque les enjeux/conséquences pour le consommateur sont importants, des contrats particuliers sont nécessaires. C'est le cas de la plupart des échanges commerciaux à moyenne et grande échelle. L'achat d'une voiture ou d'une maison, par exemple, devra faire l'objet d'un contrat pour protéger à la fois l'acheteur et le vendeur. Ce contrat obligera l'un à délivrer un bien à l'autre dans les conditions définies par le contrat (état, prix, garantie...).
Le Contrat de Bail
Le contrat de bail fait exception aussi parmi les contrats du cadre général en ce qu'il concerne un usage temporaire limité d'un bien par un contractant qui n'en devient pas le propriétaire. Il ne s'agit donc pas d'un transfert de propriété, mais d'une autorisation d'utilisation sous conditions. Le nombre croissant et de plus en plus précis des conditions ont rendu nécessaire l'encadrement de ce type de contrats, pour s'assurer de la bonne relation juridique entre le bailleur et le locataire et la protection de leurs droits respectifs. De manière générale, il s'agit d'un contrat de prêt, ou de mise à disposition d'un bien pour une durée limitée en échange d'un loyer. Le contrat spécial stipule alors les droits du locataire, les conditions d'entretien et d'utilisation, le montant du loyer, les moyens de recours, les conditions de résiliation... C'est le cas pour la plupart des locations, qu'il s'agisse d'une voiture, d'un appartement ou de matériel.
Le Contrat de Travail
Les contrats de travail font eux aussi l'objet d'une réglementation particulière et d'un code à part. Ces contrats spéciaux encadrent une relation de subordination, et créent des obligations réciproques entre les contractants, qui sont dès lors un employeur et un employé. Le respect des droits du salarié et de ses conditions de travail a rendu nécessaire la spécialisation de cette partie du droit. C'est l'un des domaines juridiques français les plus soumis à l'influence du droit européen du fait de la mondialisation et de la délocalisation toujours plus grande des travailleurs. Ce droit encadre donc toutes les notions de conditions de travail, de retraite, de rémunération ou encore de licenciement. En cas de contentieux, c'est un tribunal spécial (les prud'hommes) qui s'occupera de juger des affaires relatives au droit du travail.
Le Contrat d'Entreprise
En ce qui concerne les contrats de societé, ils sont au cœur des prestations de services et des réalisations d'ouvrages. Ils s'articulent donc autour d'un engagement contractuel de résultat, de la part d'un entrepreneur envers un client. Particulièrement nombreux dans le paysage juridique actuel, ces contrats englobent aussi toutes les mentions relatives aux garanties, à la qualité d'une prestation ainsi qu'aux délais et dates butoirs. C'est le type de contrat standard lorsque l'on souhaite faire construire sa maison. Il encadrera donc la prestation de service, mais aussi le produit final. Cette complexité et les sommes souvent importantes mises en jeu dans ce type de prestation justifient son caractère spécial.
Le Mandat
Ce type de contrat est un peu à part. Il permet à une personne ou une institution de conférer à une autre la capacité juridique à la représenter ou à faire une action en son nom. Il est particulièrement utile en droit des affaires lorsque la situation exige une délégation de pouvoir ou de décision. Son caractère spécial vient de la rigueur attendue dans la délégation de certaines décisions et de la confiance qui doit pouvoir être légalement établie entre le mandant et le mandataire. Cela évite bon nombre d'abus et de détournements, et protège encore une fois les deux parties sous couvert d'une loi plus stricte que celle des contrats généraux. Le mandataire est donc tenu de respecter la volonté du mandant lorsqu'il prendra une décision en son nom et ainsi d'agir comme il le lui a été mandé. Par exemple, pour négocier le prix de certains produits, signer un compromis... tout écart à la volonté du mandant rendrait caduque la décision.
Le Contrat d'Assurance
Enfin, les contrats d'assurance encadrent la gestion des risques en les transférant à une entreprise ou une compagnie d'assurance. Les enjeux importants, notamment financiers et judiciaires, font qu'il a vite été nécessaire de sortir ce domaine du droit du cadre général des contrats. Ils concernent l'accord entre assureur et assuré pour une indemnisation en cas de dommage spécifié, en échange d'une prime d'assurance. Ce sont les contrats les plus précis et les plus stricts, compte tenu du risque élevé d'abus et de fraude d'une partie comme de l'autre.
Sources principales du droit des contrats spéciaux
Le droit des contrats spéciaux se base sur le cadre général du droit des contrats, issu du Code civil. Celui-ci établit le principe de liberté contractuelle, de capacité à contracter et de consentement des parties, qui sont les conditions sine qua non de tout contrat.
Les contrats dits spéciaux sont donc soumis à cette réglementation générale. Mais ils sont en plus encadrés par des textes spécifiques issus de diverses sources.
Des lois spéciales, comme celle du 6 juillet 1989 concernant les baux d'habitation, mais aussi la jurisprudence des tribunaux, qui, confrontés pour la première fois à certaines questions particulières non prévues par le cadre général, ont donc la lourde responsabilité de trancher la question et donc d'établir un précédent tacite. La jurisprudence, si elle n'a pas de force légale en France, permet d'adapter au cas par cas les situations juridiques à l'évolution de la société et de ses usages.
Mais de manière générale, le droit des contrats spéciaux est majoritairement constitué de règlements et de décrets, qui appliquent et transfèrent des conventions internationales ou européennes au sein du droit français. Comme ce fut le cas en 1980 pour la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises.
Tous ces textes sont ensuite regroupés en divers codes pour faciliter leur usage : Code du travail, Code des assurances, Code de la propriété intellectuelle...
Faut-il réformer le droit des contrats spéciaux ?
Il est très compliqué de parler d'une réforme du droit des contrats spéciaux, en ce qu'il est lui-même une réforme du cadre général des contrats. On peut en revanche parler d'une régulière adaptation aux évolutions des usages dans le monde des entreprises et du commerce.
La jurisprudence joue ici un rôle essentiel en pointant du doigt les zones d'ombre jusqu'ici inexploitées, et qui souvent sont utilisées pour des abus ou des fraudes. Les juges interprètent donc les règles en fonction des pratiques commerciales en vigueur, pour ne pas risquer de bloquer une situation au nom d'une rigueur extrême de la loi écrite.
De nombreux efforts d'harmonisation sont aussi encore à faire, pour transposer les pratiques internationales. Dans ces cas-là, c'est aux gouvernements de chaque pays d'étudier la question et de permettre à leur cadre juridique national de s'adapter aux pratiques commerciales.
À la question faut-il réformer le droit des contrats, la réponse est donc non, car aucune réforme d'ampleur ne peut être entreprise sur un domaine du droit aussi disparate. En revanche, une adaptation constante des lois et règlements permettra de ne pas être mis à l'écart et de profiter des nouvelles pratiques et usages des commerçants, entreprises et travailleurs nationaux.