Dans le commerce, dans l’industrie des services, dans les communications ou le e-business, les données sont exploitées en permanence pour proposer aux consommateurs des expériences toujours plus personnalisées. En matière de marketing digital, les usages se multiplient, les technologies s’affinent au point qu’il a fallu renforcer les garde-fous afin de protéger la confidentialité des données et, in fine, la vie privée des citoyens. « Depuis 2018 et le RGPD, l’étau se resserre et limite les usages inconsidérés des données, note Eric Mathez. En 2020, la CNIL prévoit de travailler sur la notion de consentement et sur l’utilisation des cookies afin de renforcer la protection de la vie privée ». Une tendance qui devrait faire bouger les lignes de front au grand dam des professionnels du marketing digital et du e-business. « Le GESTE (NDLR : organisation qui fédère les principaux professionnels éditeurs en ligne) comme le SRI (NDLR : le Syndicat des régies Internet), ont beau reprocher à la CNIL une vision archaïque de la protection de la vie privée, le mouvement est engagé et plus que jamais la collecte de données devra être cantonnée aux nécessités de l’activité », précise Eric Mathez.
Une année électorale outre-Atlantique
Si le contexte réglementaire risque bien de rebattre les cartes du marketing digital et du data marketing, soutenu par l’attitude des grands navigateurs (Safari et Google Chrome en tête) qui se montrent toujours plus vigilants et restrictifs quant à l’usages des cookies, les élections américaines pourraient bien accentuer le phénomène. « Les élections US agissent toujours comme un catalyseur », observe Eric Mathez. Le débat télévisé entre Nixon et Kennedy dans les années 60, le rôle d’internet et des réseaux sociaux pour l’élection d’Obama, le ciblage de la communication de Donald Trump en 2016… « Le rythme s’accélère, et alors que les élections 2020 pourraient bien opposer deux milliardaires (Donald Trump et Mickael Bloomberg) aux moyens et aux ambitions quasi-illimitées, les limites ne risquent-elles pas d’être franchies ? », s’interroge Eric Mathez. Un questionnement d’autant plus pertinent qu’un acteur comme Mark Zuckerberg, ébranlé par le scandale Cambridge Analytica et sa convocation devant les plus hautes instances américaines et européennes, pourrait bien redouter, en cas d’abus ou de manipulation des données, de s’exposer au risque de démantèlement des GAFA.
Data Marketing vs Pouvoir d’achat : payer pour ne plus être pisté
Une troisième variable vient encore compliquer l’équation complexe du marketing digital en 2020 : la prise de conscience de l’enjeu par les citoyens eux-mêmes. « La sensibilité éthique des consommateurs se développe, note Eric Mathez. Les contestations et remous suscités par le Black Friday l’illustrent parfaitement ». Souci de la transparence, de l’accès à une information vérifiable et sincère, porté par des applications comme Yuka, ou encore le développement des adblockers… : « La défiance des consommateurs est réelle et 2020 constituera sans doute l’heure de vérité pour le marketing digital et le Data marketing ». Dans le monde de l’assurance, on voit déjà émerger des offres de type Pay as you drive. « Derrière cette opportunité de faire des économies en acceptant que vos comportements soient analysés, se cache une autre réalité : si vous refusez d’être pisté, vous devrez payer plus cher ! », décrypte Eric Mathez. Une tendance qui pourrait alors opposer le data marketing au pouvoir d’achat et exposer les moins fortunés à tout divulguer de leur vie privée… Une situation potentiellement explosive sur fond de fracture sociale et de fracture numérique.