Par Yvon Doukhan, Directeur du MBA Logistique et Management de la Supply-Chain d'ESLSCA Business School Paris
En temps de paix, la logistique a permis d’organiser et d’acheminer les flux de produits partout dans le monde. Dans une économie globalisée, la recherche de la satisfaction des clients est devenue l’une des priorités des entreprises, qu’il s’agisse de biens d’équipement, de produits industriels ou de biens de consommation. Le manquement au respect des conditions essentielles des contrats (qualité, délais de livraison…) avait certes un impact économique parfois considérable, mais rarement ne mettait en jeu la survie des personnes.
La gestion de la Supply Chain amenait les acteurs économiques à optimiser la valeur tant des fournisseurs que de leurs clients.
La connaissance des besoins du marché ainsi que les prévisions de vente aidaient les entreprises à définir leur capacité de production, leur demande en matières premières et produits divers, les niveaux de stocks et les moyens de distribution nécessaires, malgré la complexité grandissante liée à la provenance des marchandises achetées, tendant les flux afin d’en minimiser l’impact financier.
La crise sanitaire actuelle, sans précédent depuis l’ère moderne, a mis en évidence la criticité de la chaîne d’approvisionnement au niveau mondial, et notamment sa dimension temps. Aller plus vite, se battre contre un « ennemi invisible » pour la plupart d’entre nous, a mis en évidence des problématiques exceptionnelles : dépendance des fournisseurs souvent éloignés, confrontation à une demande très fortement concurrentielle non prévue (équipements, produits, main d’œuvre spécialisée…), délais d’acheminement conventionnels, gestion minutieuse des stocks (sécurité, contingentement, affectation…).
Au niveau des Etats frappés par la pandémie, le pouvoir politique s’est substitué au pouvoir économique : quel qu’en soit le coût, les choix stratégiques se sont orientés vers la préservation de la vie humaine. En relais, le personnel soignant s’est mobilisé en flux tendus (ressources humaines, médicaments, matériels et consommables) au péril de leur vie. Ensuite, les citoyens du monde ont assuré les activités essentielles à la vie de la nation : dans l’agriculture, les industries concernées, le transport (biens et personnes), établissements financiers… Tous ont dû composer avec des pénuries substantielles de main d’œuvre et d’approvisionnements, réinventant des processus innovants et efficaces.
Partout dans le monde, la course contre la montre s’accélère. La coopération entre partenaires internationaux a supplanté les tensions économiques passées. Désormais la relocalisation sur les marchés domestiques de production jusqu’alors peu critiques, l’élargissement mondial des panels fournisseurs, la flexibilisation des ressources hospitalières, l’assouplissement de contraintes administratives (autorisations, procédures douanières…), la mobilisation de moyens militaires et de transport ainsi que l’exigence impérieuse de traçabilité sont à l’ordre du jour.
La communication a pris alors tout son sens : analyser les données, concevoir des systèmes d’information innovants, expliquer les plans d’action prévus, respecter ses engagements, réagir en temps réel, rassurer les multiples acteurs et accompagner le changement.
Quels enseignements aurons-nous tiré de la gestion de cette crise inédite ? Parmi les solutions adoptées, que pourra-t-on pérenniser afin de transformer notre façon d’appréhender la Supply Chain, la logistique et les achats à l’avenir ? De nouveaux paradigmes, assurément.